Heihachi, Story bien IX
En marche vers le teinturier-pressing, notre héros au service du bien chantait une petite chansonnette qu'il avait entendu la veille à la télévision, en barbouillant les paroles de cette dernière, sans doute issue d'une langue morte à l'heure qu'il est : « Damblou Dabeudi Dabeuda Hmdabeudi Hmdabeuda Dabeudidabeuda... » Après être arrivé au niveau faible du banc de l'abris-bus, Heihachi avait le souffle coupé. Ses vieilles bronches le faisaient souffrir de fatigue rapide et il avait un talon de tong cassé. Il demanda le prénom de ce fils de maître pressingueur. « Moulongue », lui répondit-il, d'un mouvement de queue de cheval. Mais Heihachi n'avait pas le temps pour faire la causette et exigea à Moulongue de lui rendre ses biens au plus vite avant de se prendre un coup de boule boueux. Moulongue s'exécuta, mais d'un tour de main de passe-passe, exécuta une sorte de prière fraternelle des signes du zodiaque-hindouiste des vallées brunes. Heihachi n'avait rien vu de tel depuis sa folle soirée devant Sacrées Diarhées, accompagné de sa quintuple quadragénaire quasi ex-femme et d'une bonne bouteille d'eau-de-vie du coin lorsque que le présentateur fît intervenir une troupe mongole de haute voltige.
Sous cette belle pluie diluvienne, cette danse d'un autre univers lointain redonna courage et vigueur à Heihachi qui était en train de racomoder sa tong en bois vieux. Moulonge lui proposa alors de l'accompagné jusqu'au pressing. Heihachi refusa et à l'aide de sa paire de roller cachée sous son slibard en soie, partit sans dire au revoir. Arrivé devant la boutique vitesse, notre beau mâle ouvrit la porte d'un coup de coude redoutable et brisa le carreaux. Nous pouvions alors lire sur le vitrail publicitaire d'envergure moche « Pr...ing », exactement la même onomatopée que lorsqu'il entra avec fracas.
La boutique était vide et la lumière sombre. Nous étions déjà dimanche jour.