Chapitre 12
Heihachi était toujours atablé. Il attendait, l'oeil hagard, l'arrivée de son repas demandé par doublon. Mais cette enseigne qu'il avait vue au détour d'un clin d'oeil lui rappela à sa mémoire quelque souvenir subjectif. "Le bar du coin"... Où diable avait-il pu entendre parler de ça ? Est-ce l'un de ces bars louches dans lequel il avait pu aller un soir de cuite mémorable ? Non, assurément: notre héros et néanmoins ami n'était pas un tel débauché. Etait-ce le lieu d'un meurtre pour lequel il avait dû enquêter un soir de pleine lune ? Non, promptement pas: comment aurait-il eu l'audace d'oublier tel évènement, lui qui notait tout - bon an mal an - dans son journal intime ? Les méninges se creusaient et le ventre gargouillait. Heihachi n'en pouvait plus. Hurlant de fâcherie, il frappa du poing sur la table et les couverts volèrent :
- Bordel ! Où est donc la bectance, femmes ! Je vais brûler votre établissement, et vous avec !
Tout à coup, un éclair de génie au chocolat lui traversa l'esprit :
- Mais oui, évidemment ! C'était... Comment s'appelait-il déjà ? Un chinois... Lei ou Lang... Je lui avais buté sa tête au colt magnum ! C'était ici, j'en suis sûr !
Il criait comme un pendu et tous les clients le regardait :
- Quoi, les mauviettes ? Je vous prends tous un par un ! Non, tous en même temps ! Venez !
C'est alors que, sortant d'une poubelle déguisé en chamelle, un flic avec une chemise blanche et des bretelles à la mode pointa son arme de service sur notre héros au coeur doré :
- Hey ! Lâche ton arme Hachi ! Ou j'te fais cramer les esgourdes !
- Ah ouais ?
- Ouais !
- Ah ouais ?
- Ouais !
Et tout l'immeuble s'effondra.